MYSTIC DREAMSCAPES- THE ART OF BASIL ALKAZZI
BY GEORGE S. WHITTET
« Et alors, quand la lune sest levée, il y a eu un silence, et dans cette quiétude il ma semblé dire une prière, exprimer un vu, un espoir, un rêve, et comme je regardais vers le ciel et je faisais face à cette luminosité qui brillait au-dessus de moi, dans ce moment même, une luciole frôla délicatement de ses ailes mon sourcil, comme pour mapaiser, me caresser, pour moindre, pour me bénir » 1
Basil Alkazzi est une rareté dans la scène contemporaine, un peintre dont limagerie induit des réactions qui vont au-delà des tendances de la mode dempâtement grenu et de contenu minime. Bien quétant socialement sélectif et réservé, il a voyagé la plus grande partie de sa vie un petit peu comme ses ancêtres nomades.
Au printemps 1976, il a eu sa première exposition en tant quartiste unique aux « Drian Galleries » à Londres où il a présenté une collection de peintures à lhuile et de dessins à lencre de couleur qui revêtaient une identité hautement convaincante. Des intérieurs et des paysages incorporaient une structure formelle et des modèles intriqués. Des humeurs de couleurs invasives déclenchaient des répétitions et des renversements de motifs. Des uvres composées sur des fonds de bleus et de verts vibrants traçaient leurs perspectives vers linfini à travers des arches aux proportions sereines, souvent dans une nef centrale bleue, ses globes suspendus dans un espace azuré. Irrévocablement engagé dans son art en tant que fonction de son existence, Basil Alkazzi conserve la trace de ses pensées et de ses idées ; certaines de ces notes épigrammatiques que je cite ici. A part le fait de donner une orientation vers des spéculations philosophiques, ses mots écrits suggèrent souvent des titres pour ses tableaux. Bien quils capturent rarement avec précision limagerie des images, ils reflètent cependant sa conscience des présences mystiques de la vie. Sensible dune part à lapparition de phénomènes naturels des aubes, des orages, des marées calmes, des arcs-en-ciel il semble dautre part ressentir des événements imminents attribuables à un lointain passé, ce qui ressort dans des titres comme « Transmutation in Time » [ Transmutations dans le temps ], « A Dream Moment Awaiting The Moment », [ Un moment de rêve en attendant le moment ], et « Another Moment, Another Time, Another Season », [Un autre moment, Un autre temps, Une autre saison].
Pendant les années 70, un élément caché de mysticisme investi dans les peintures est devenu fortement apparent dans lexposition de 1977. Un extrait de son journal de 1976 dit :
« Etre né, comme on est né, au milieu de locéan, sur la crête des vagues, dans les entrailles de la nuit, après minuit, pour dériver, embrassé par la lueur de la lune, vers une rive, un port distant et inconnu ; dériver, puis être embrassé par le soleil ; et la mer, et les vagues sont toujours là, et toujours pas de signe de la terre ferme, à part la profondeur du fond de locéan. Comment lâme pourrait ne pas embrasser et enlacer, comme la mer le fait, autant de rives si différentes ? Est-ce que les eaux qui ont enlacé notre naissance, enlacent maintenant et dérivent vers des rives de leur choix, de leur amour, et donc de mon amour ? » 2
Pendant cette phase, Basil Alkazzi a créé une riche série de paraboles presque abstraites où des personnages sont formalisés par des formes interconnectées de tête, de torse et de jambes habillés par des pièces de vêtements vertes et bleues. Dans lensemble, le dessin est géométrique avec ici et là des ruptures de rythmes dûes à des passages arbitraires mettant en relief plutôt quatténuant lunité totale. Dans dautres uvres, les personnages sont réduits à neuf ou trois avec des tailles différentes selon des chemins de parallèles, des champs croisés vers un horizon suspendu par des lunes comme des lanternes magiques au-dessous dune voûte, soulevées vers le ciel.
A partir de la fin des années 70, ces constructions hiératiques conçues comme des formes abstraites semblent revenir à un cadre plus temporel. Les formes architecturales avec leurs fenêtres vides et leurs portes ouvertes acquièrent une nouvelle signification imbue de mystère et d'intention métaphysique.
« Des maisons sont construites sur lombre dautres maisons, où leurs formes préalables coexistent avec leurs formes présentes. Une vie passée coexiste avec la vie présente, tout comme l'enfance coexiste avec l'âge adulte. Un moment passé vit dans la mémoire à lintérieur dun moment présent. » 3
Au début des années 80, après un interlude consacré au thème des amoureux beaucoup plus proche des masses sculpturales, terrestres et symboliques, il a repris sa quête vers la résolution matérielle de la compulsion subliminale intérieure. Il écrit ainsi :
« Il y a des fois, certains moments, où jai le sentiment que cette certaine fois, ce certain moment, est le résultat dune promesse faite il y a très, très longtemps. Il y a toujours ce sentiment de grande inévitabilité. Et sil existe quelque chose comme un modèle pré-ordonné, des promesses pré-ordonnées, et il y a beaucoup, beaucoup de fois où je ne suis pas sûr quil ny en ait pas, alors ces certaines fois , ces certains moments, jaccepte ces promesses données il y a très, très longtemps, avec émerveillement ..Un moment arrive et puis il y en a un autre, un rêve arrive et puis il y en a un autre, un amour arrive et puis il y en a un autre ; mais ce moment, ce rêve, cet amour, ayant pris racine, continue de vivre sous forme de fossile, dessence même, de sentiment, dans lesprit, dans la mémoire. » 4
Cette sensation sexpérimente en regardant certains tableaux, vivant par le drame suspendu, où la perspective souvre sur un plan terrestre vide et où, sur les bords, des personnages humains et des oiseaux sous forme dombre se tiennent immobiles. Dans certains de ces tableaux, les bâtiments blancs ressemblent à des tombeaux ; des portes ouvertes encadrent des points de vue de paysages presque surréels dans leur contraste entre lespace intérieur et extérieur.
Odilon Redon, artiste symboliste français, a écrit : « Tout peut arriver en art si lon laisse émerger linconscient ». Il ne fait aucun doute que cest cette mémoire universelle héritée de lhumanité qui répond aux allusions ataviques dans les tableaux de Basil Alkazzi plutôt que de reprendre des mouvements et performances de prédécesseurs dans lhistoire de lart récente. Ses tableaux représentent la matérialisation de poèmes sous forme visuelle, non-écrite mais fleurant cependant lodeur de beaucoup de poèmes dont on se souvient. Le temps et la croissance sont essentiels pour motiver son imagerie.
« Rien ne vit pour toujours sur un plan, et rien ne meurt, il y a seulement un passage dune forme à lautre, dune sphère à lautre. » 5
Dans ses uvres récentes depuis 1982, Basil Alkazzi revient à des variations subtiles différentes du thème des rencontres damoureux, des séparations, des souvenirs et des espoirs peints par des silhouettes schématiques de personnages impalpables, des acteurs immatériels du drame se trouvant dans et à lextérieur de formes de maisons isolées, leurs masse blanche ressortant sur le fond bleu outremer foncé du ciel de nuit.
Une évocation de lamour, distincte de lérotique, est suivie par Basil Alkazzi dans son style personnel plein dimagination remplie du suspens de toute relation humaine intime. Cependant, au-delà de son interprétation commune, « les amoureux » ont comme connotation une relation plus large avec le monde lui- même. Pour lartiste, tous les êtres sont des amoureux, amoureux de Dieu, de la vie elle-même dans ses myriades daspects, aimant la régénération continue de la Terre, aimant les forces conflictuelles, endurant ladversité et la destruction avec amour. Cette atmosphère subtilement apparente confère un caractère unique aux tableaux de Basil Alkazzi. Impossible à catégoriser parmi les idiomes de peinture actuels, son uvre symbolise une démarche très spéciale exprimée dans une synthèse dhachures graphiques sur des fonds de couleur représentant une humeur, portant une aura romantique surréelle aussi contemporaine dans ses sentiments dimagerie cinématique visuelle que les mots imprimés. Tout au long, on lit le langage secret presque ésotérique des symboles, pour labri, lhabitat, le palace ou le tombeau à vénérer, un paradis en sécurité dans limmensité bleue de lespace où, seuls ou ensemble, se tiennent debout des ombres de personnes revêtues dun vague anonymat, qui sont peut-être connues ou parties ou pas encore rencontrées. Dans le journal de lartiste, ses propres spéculations sur la vie et son interprétation de sa signification traduisent son sens de ses mystères et ses contradictions. En 1982, il a écrit :
« Comme la lune se lève, elle se couche, et se lève à nouveau ; mais le moment nest pas le même moment, la sphère non plus. Et un artiste aussi refoule à nouveau le même chemin encore et encore , et quelquefois , le refoule encore une fois .. On ne sait pas si cest la dernière fois. Tout ce que lon sait, cest quon y reviendra ; mais entre maintenant et ce moment là, il y aura dautres nuits éclairées de lune, des jours ensoleillés, une éclipse ou deux, et plus encore. » 6
Le « plus encore » dont parle lartiste est apparu dans luvre récente de 1987 et plus tard. Là, labri et la solidité de la forme architecturale ont disparu et le plan terrestre solitaire est un avant-plan seulement pour le drame qui donne de lénergie au ciel au-dessus. Les amoureux pleins dombre sont encore là mais plus animés, leur manteau ondoie derrière eux comme ils traversent la distance médiane et au-delà, ils ne sont plus simplement des témoins silencieux, souvent ils se séparent ou sont rejoints par dautres. Les couleurs dominantes sont lindigo et le bleu outremer en toile de fond, la nuit éternelle où des comètes rayent le ciel en suivant des trajectoires de satellites et la lune répète ses phases à la recherche de la luminosité totale.
« La lune, une image de lhomme, na pas de luminosité propre. Elle reçoit sa luminosité du soleil. Lhomme reçoit la sienne de Dieu, de lUnivers. » 7
Dans les séquences reliées, chaque toile projette sa propre aura de signification inscrutable. Ici, sans date dans le calendrier, lavenir jette son ombre aussi imprécise que celle du passé non enregistré. Les expériences personnelles ne portent aucune association identifiable. Les images indescriptibles par des mots sont plus puissantes avec subtilité à cause de leur suggestion subliminale. Le mysticisme a rarement été absent de luvre de Basil Alkazzi. Ses peintures nont aucune base rationnelle de création à part leur nécessité dans lâme de lartiste. Depuis quatorze ans environ il sest de plus en plus impliqué dans les choses métaphysiques.
«Cela a été et est une exploration ,une découverte, et une expression du soi, de tout ce dont il est composé et de son développement vers un plan plus élevé .Un Artiste se révèle, ses pensées, par son uvre, à lui- même et pour lui-même, et les autres, peut-être, découvrent et voient cette auto-découverte, cette auto- révélation dans la matière. » 8
Les tableaux de Basil Alkazzi présentent des aspects intrigants de sa philosophie dans le cur de son imagination. Les amoureux apparaissent dans presque tous ses tableaux. Dans le dernier groupe où latmosphère palpite de mouvement : « And Now It Comes » [Et maintenant il vient], »See How It Comes » [ Regarde comme il vient], « The Seal of Love » [Le sceau de lamour], on trouve le couple toujours présent sous forme de silhouettes pleines dombre regardant lillumination aveuglante dun foyer triangulaire, symbole central de lémotion en crescendo. Allégorique et rhapsodique dans ses détails, cette composition, avec les autres de la série, se compare en effet au point culminant spectaculaire unifié dun opéra ou dune symphonie.
« Une perfection de la Spiritualité est recherchée par limage du Sceau : limage du Sceau étant limage de la perfection de la Spiritualité. Où le corps spirituel avec toute la connaissance, lamour, et la foi sur ce plan, vit en totale et parfaite harmonie avec lentité spirituelle des moments intemporels, avec toute la connaissance, la sagesse, lamour, et la foi sur ce plan. » 9
Comme je lai écrit dans mon introduction au catalogue de sa première exposition à New York en Janvier 1987 : Parce que Basil Alkazzi ne rentre pas facilement dans nimporte quelle catégorie facile si populaire auprès des historiens de lart moderne, il na pas reçu le respect total qui lui est dû. Cest paradoxalement pour cette raison autant que toute autre que je le considère comme ayant une importance majeure. Il ne peut pas être laissé de coté parce que son message nest pas facilement traduisible en mots. Cest son pouvoir ultime de pouvoir créer une présence en termes visuels capable de provoquer lémerveillement et la réflexion à la fois ; il est lauteur de son propre phénomène et comme le font tous les prophètes authentiques, il crée sa propre catégorie triomphante.
George S. Whittet 1989
BASIL ALKAZZI EXTRAITS DU JOURNAL
1: 1988 2: 1976 3: 1980 4: 1982 5: 1983 6: 1982 7: 1969 8: 1984 9: 1984
Publié par le Centre de Nouvelle Angleterre pour lArt Contemporain
Henry Riseman, Directeur
Eva J. Pape, Curateur
Copyright c 1988 par le Centre de Nouvelle Angleterre pour lArt Contemporain
Catalogue de la Librarie du Congrès, numéro de carte 88-62786
« Les Paysages de Rêves Mystiques : LArt de Basil Alkazzi »
par George S. Whittet
Introduction par Henry Riseman
Contemporary Art Center of New England, Brooklyn, Conn.
Imprimé aux Etats-Unis
Imprimé par Thorner-Sidney Press Inc., Buffalo, New York
Traduit et tapé par : Diane Bourély-Médecin.
MYSTIC DREAMSCAPES: THE ART OF BASIL ALKAZZI
A MUSEUM NECCA PUBLICATION, USA 1988
LIBRARY OF CONGRESS CATALOGUE CARD NO 88-62786
PRINTED BY THORNER-SIDNEY PRESS INC, BUFFALO, NY USA.